Tuesday, December 07, 2004
(11:02 PM) | Adam Kotsko:
St. Paul Week: Pier Paolo Pasolini's Saint Paul
Longing for some relatively mindless, yet arguably productive work, I have transcribed most of Pasolini's introduction to his sketch of a screenplay about Paul, in French translation. I have numbered the paragraphs in the hope of making this into a collaborative translation project -- if you are so inclined, pick a paragraph and put your translation into the comments. If the whole thing ends up getting translated in this way (or if only a few paragraphs are left over for me to do), then I will post the translated version later this week. (Actually, it's not really a difficult passage -- a non-French speaker, armed with a list of false cognates, could probably read most of it without too much trouble.) If not, then that's fine, too:- L’idée poétique—fil conducteur et composant principal de la nouveauté de ce film—consiste à transposer tout le parcours de saint Paul dans le contexte contemporain.
- Mais mon intention n’est certes pas de dévier ou altérer le verbe de saint Paul. Au contraire, comme pour L’Evangile selon saint Matthieu, aucune des paroles prononcées par Paul dans les dialogues de ce film ne sera inventée ou reconstruite par anologie. Et puisqu’il faudra choisr dans les discours apostoliques du saint, je m’efforcerai, à travers mon choix, de couvrir le champ entier de son apostalat (secondé dans cette tâche par des spécialistes capables de garantir une lecture absolument fidèle de l’ensemble de la pensée de Paul).
- Pourquoi ai-je l’intention de transcrire ce parcours terrestre dans notre durée présente? Tout simplement pour rendre, cinématographiquement, de la façon la plus directe et violente, l’impression, la conviction de son actualité. En définitive, pour dire au spectateur, d’une manière explicite, sans même l’obliger à réfléchir, que “saint Paul est ici, aujourd’hui, parmi nous”, et qu’il l’est presque physiquement, matériellement: que c’est à notre société qu’il s’adresse, que c’est sur notre société qu’il pleure, que c’est notre société qu’il aime, menace et pardonne, agresse et embrasse tendrement.
- Une si grande violence temporelle à l’égard de la vie de saint Paul—qui se répète ainsi au beau milieu des années soixante—nécessite, bien entendu, une longue série de transpositions.
- La première, qui est capitale, consiste à remplacer le conformisme de l’époque de Paul (en fait, deux conformismes: celui des Juifs et celui des Gentils) par un conformisme contemporain: celui qui est typique de notre actuelle civilisation bourgeoise, dans sa religiosité hypocrite et conventionelle (analogue à celle des Juifs), dans sa laïcité libérale et matérialistie (analogue à celle des Gentils).
- Une transposition aussi importante, fondée sur l’analogie, implique fatalement une innombrable quantité d’autres transpositions. Dans cet enchaînment de transpositions, où une certaine cohérence est requise, je voudrais cependant disposer d’une entière liberté d’action. Etant donné que mon objectif principal est celui de donner une représentation fidèle de l’apostolat oecuménique de saint Paul, je désirerais, en quelque sorte, pouvoir me détacher d’une certaine cohérence extérieure et littérale. Je m’explique.
- Le monde dans lequel saint Paul vit et agit, dans notre film, est celui de 1966 ou 1967. En conséquence, les lieux qu’il traverse ne peuvent plus être les mêmes. Par example, le centre du monde n’est plus Rome. L’actuelle capitale du pouvoir et de l’impérialisme est New York (avec Washington). De même, le foyer culturel, idéologique et, à sa menière, religieux (en définitive, le sanctuaire du conformisme intellectuel), n’est plus Jérusalem, évidemment, mais Paris. Par ailleurs, Rome est actuellement, grosso modo (et en ne la considérant pas, ici, dans son rôle de capitale officielle du catholicisme), ce qu’Athènes était à l’époque, c’est-à-dire une ville imprégnée d’une grande tradition historique. Enfin, Antioche, par analogie, peut très bien, aujourd’hui et ici, devenir Londres (capitale d’un empire déchu depuis l’avènement de l’hégémonie américaine, comme le devint Antioche à la suite du triomphe de l’Empire romain).
- Le théâtre des voyages de saint Paul n’est plus le bassin méditerranéen, par conséquent, mais l’Atlantique.
- De la géographie, passons à la réalité historique et sociale. Il est certain que saint Paul a démoli, de façon révolutionnaire, avec la seule force de son message religieux, un modèle de société fondé sur l’inégalité sociale, l’impérialisme et, surtout, l’esclavagisme. Par conséquent, il est évident que l’aristocratie romaine et les différentes classes dirigeantes collaboratrices deviennent ici, par anologie, l’actuelle bourgeoisie détentrice du capital. De même, et toujours par analogie, les humbles et les soumis de l’époque sont les classes moyens, les ouvriers et les sous-prolétaires d’aujourd’hui.
- Naturellement, tout ceci n’apparaîtra pas de façon aussi explicite et didactique dans notre film! Les choses, les personnages et les lieux parleront d’eux-mêmes. Les “questions” posées à saint Paul par les évangélisés seront contemporaines, spécifiques, cironstanciées, problématiques, politiques, formulées à travers un langage typique de notre époque. Les “réponses” de saint Paul, par contre, seront celles que nous savons: exclusivement religieueses, énoncées à travers le langage typique de saint Paul, universel et éternel, mais inactuel (au sens propre).
- La thématique centrale du film se situe donc dans la relation qui s’instaure entre “actualité” et “sainteté”: le monde de l’histoire que tend, dans son excès de présence et d’urgence, à fuir dans le mystère, l’abstraction, l’interrogation pure, et le monde du divin qui, dans toute son abstraction et toute sa religiosité, descend parmi les humains, devient concret, opérant.
[From Pier Paolo Pasolini, Saint Paul, trans. Giovanni Joppolo, Flammarion, 1980.]